ETAPE 40
Ksar Hallouf – Houmt Souk (327 km)
Ce matin, le vent de sable chaud et étouffant a repris sa musique avec vigueur. Le paysage a revêtu son voile de poussières sur lequel butte le regard. Les palmiers se coiffent en brosse, tous du même côté !
En route pour la frontière libyenne !
La route poursuit ses errements entre les canyons arides dans lesquels s’engouffrent des rafales qui viennent danser avec ma mobylette, ou tout du moins essayer de la faire valser. Ca tangue !
Sur les sommets, les ruines des ksars se succèdent, créant une ambiance de croisades. Il ne manque plus que quelques chevaliers pour espérer rencontrer Richard Cœur de Lion au prochain virage. Je m’arrête à la mosquée des 7 dormants, saluer ces ronfleurs qui traversent les siècles.
Lors d’une pause, une rafale plus vigoureuse que ses consœurs renverse ma Yamaha sur le casque accroché au guidon. La visière vole en éclat. Avec tout ce vent de poussières, j’en ai pourtant bien besoin ! Je la bricole avec du chatterton. Me voici borgne…
Et la route se poursuit, alternant les crêtes et les vallons, jetant un coup d’œil sur le désert à l’ouest puis sur la plaine côtière à l’est. Va et vient à travers des villages déserts, chacun recherchant la fraîcheur des maisons, à travers des routes désertes, à travers des montagnes désertes… où se promènent quelques dinosaures !
Finalement, il me faut bien quitter ce splendide massif et descendre vers Tataouine. Nom mythique qui me fait rêver depuis des années. Synonyme d’éloignement, de bout du bout, d’ailleurs, de là-bas. Mais ce n’est en fin de compte qu’une ville très banale, une petite ville de province, sans charme et sans attrait, une ville de commerces et d’administrations, une ville vivante. Le simple point sur la carte était porteur de plus de charme…
Je poursuis vers l’est, à travers une plaine de sable et d’oliviers et, soudainement, je perds 20°c, en un clin d’œil, comme si j’étais entré dans une pièce climatisée (mais sacrément grande !). Sans aucun signe annonciateur, le vent a changé. Les rafales arrières aux saveurs de sauna qui me faisaient suer sous mon blouson ont laissé la place à des coups de butoir venant de face, glacées, au goût de la marée. Je suis passé de 40°c à 20°c, instantanément ! Quelle inversion de climat ! La visibilité ne dépasse plus les 300 m. Des filaments de sable filent sur la chaussée. Les oliviers sont tout ébouriffés !
Frontière libyenne. Une fièvre minaretophobe helvète a entrainé un traitement de cheval à base de racismotropes à haute dose. Aucun visa n’est plus délivré aux porteurs de passeport européen (sauf les Anglais !!! ???).
- Je suis désolé monsieur, il vous faudrait une autorisation spéciale.
- Mais je suis quelqu’un de très spécial !
- Ce qui ne donne que 50% de ma demande. Il manque l’autorisation...
Je me fais l’effet d’une mouche venant buter sans arrêt contre une fenêtre fermée. J’ai rebondi tout au long de la côte méditerranéenne, au nord, puis le long de la frontière algérienne, à l’ouest, dernièrement sur les sables du désert, au sud, et à présent me voici bloqué à la frontière libyenne, à l’est. Je suis abonné aux demi-tours…
Dépité, je repars vers le nord et je retrouve une Méditerranée aux saveurs de Mer du Nord. Verte et écumeuse. Les oliviers ne venant plus freiner la course du vent, je me traîne, glacé, à 50 km /h pendant plus de deux heures avant de m’échouer à … Djerba… Pause…
Et maintenant ?