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Bangui - Alger (et plus si affinités)
26 février 2010

Histoire de dunes

Pour bien des habitants d’Agadez, et particulièrement après les trois années de rébellion Touaregs qui ont stoppé tout développement économique de la région, le pouvoir central ressemble à une dune de sable. Plus ou moins haute, plus ou moins belle, plus ou moins meuble, mouvante, mais indifférente à la fourmi qui se promène sur son dos. Indifférente. L’homme, de passage, essaiera de la comprendre pour s’en faire une alliée : un peu d’ombre pour le repos du bédouin, un recoin contre la police pour le contrebandier, un oreiller pour la nuit du nomade, une belle photo pour le touriste émerveillé, un observatoire pour le guide égaré... En fonction de ses besoins, de ses attentes, chacun tentera de valoriser ce grand corps mou, sans réaction, inamovible et fluide, insaisissable, et d’en tirer profit, ou, tout du moins, d’en supporter le mieux possible le voisinage obligatoire.

185Alors que cette dune porte le nom de Mamadou Tanja ou de Salou Djibo, qu’elle se pare d’un magnifique boubou bleu brodé d’or ou d’un austère treillis militaire, elle n’en restera pas moins de sable et le citoyen d’Agadez, microscopique, à plus de 1 000 km de la capitale, n’en devra toujours pas moins s’épuiser à escalader l’indifférence de ses administrations sur la piste de son quotidien.

Jeudi 18 février : RFI l’annonce, les téléphones portables le répandent, le bouche-à-oreille le délaie et le déforme : il se passe quelque chose à Niamey. Le Président serait arrêté. Un coup d’état aurait eu lieu. Le marché central ne se désemplit pas pour autant. La sieste et la nonchalance règnent toujours en maîtres sur la ville. Les innombrables thés conservent leur bouddhique rituel. On échange les derniers détails, on commente, on suppute, mais tout comme on évoquait les matchs de la CAN quelques semaines plus tôt, ou encore le lointain tremblement de terre à Haïti. Il se passe quelque chose, bien sûr, mais sommes-nous concernés ?

Dimanche 21 février : Soudain, des hurlements, des cris de joie, des youyous de femmes, des klaxons de moto, des pétards. La foule sort dans les rues de toute part, s’interpelle, se félicite, se rassemble sur les places. Soudain, c’est la liesse ! Agadez est champion de lutte traditionnelle pour la 2ème année consécutive après 30 ans de défaites. L’épée du trophée va pouvoir rester accrochée dans la grande mosquée et les marabouts vont continuer à la bénir, pour l’année prochaine. C’est la fête !

Tout est dit à travers ces deux dates. Aujourd’hui, après tant d’années de désillusion, Agadez ne compte plus sur Niamey pour reconstruire la ville détruite par les dernières inondations, ramener les touristes qui ont fuit depuis 3 ans, lutter contre la famine qui s’annonce cette année encore après les mauvaises récoltes de 2009.

Défendre et diffuser la culture Touareg ? Protéger les populations locales contre les pollutions d’AREVA ? Développer l’industrie agro-alimentaire pour lutter contre le chômage et diminuer le coût des produits locaux ? Protéger les femmes battues, les fillettes victimes d’un mariage précoce, les orphelins abandonnés car non désirés ? La population a compris que les solutions ne pourront, hélas, qu’être locales, tout du moins pour l’instant.

Associations nigériennes et ONGs internationales, émigrés revenant chaque année, expatriés conservant un pied-à-terre dans cette ville ensablée, commerçants travaillant avec l’Algérie, la Lybie, fonctionnaires dépassés, chacun ne souhaite qu’une seule chose de ce coup d’état : qu’on lui fiche la paix !

Alors, peut-être, les habitants d’Agadez pourront se débrouiller. Alors, peut-être, ils pourront vivre sur cette dune, se l’approprier, et, peut-être, plus tard, la reconstruire plus adaptée. Mais, en attendant, ils ne souhaitent qu’un nouveau gouverneur compréhensif, un responsable militaire qui aime le désert, des représentants ministériels qui, simplement, leur feront confiance et leur ficheront la paix.

Pour une fois…

On peut rêver…

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Commentaires
A
Enchantée de tomber sur ton blog !<br /> j'ai lu tes journées à Agadez et apprends que tu es en Algérie !<br /> C'est bien fini la "nonchalance" agadézienne sous le ventilo ...<br /> Bonne route !!
Bangui - Alger (et plus si affinités)
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